Correspondance littéraire Février 1772

Correspondance littéraire, philosophique et critique

Tome 9 / par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. ;
revue sur les textes originaux... par Maurice Tourneux,
Paris, Garnier frères, 1877-1882, p. 436-437.

 

Couverture Correspondance Littéraire Tome 91er Février 1772

Je ne sais pourquoi messieurs du parterre n'ont pas voulu faire à madame Le Prince de Beaumont l'honneur de la demander. C'est dans son Magasin des Enfants que vous avez pu lire le conte charmant de la Belle et la Bête ; et c'est le sujet que M. Marmontel a mis sur la scène, sous le titre de Zémire et Azor […]

De tous les ouvrages immortels de madame Le Prince de Beaumont, je n'ai jamais lu que ce conte de la Belle et la Bête, qui est d'environ une vingtaine de pages. Il est écrit simplement, naïvement ; il est surtout plus intéressant qu'aucun des contes que je connaisse, sans en excepter ceux de l'Ancien et du Nouveau Testament. Sans M. Marmontel, je n'aurais jamais lu ce beau conte, je n'en aurais jamais eu connaissance, je n'aurais jamais rendu justice à madame Le Prince de Beaumont. A quoi tiennent tous les grands événements de la vie ! Il y a, à la vérité, de savants critiques qui réclament le conte de la Belle et la Bête comme appartenant à madame de Villeneuve ; mais je ne connais pas cette madame de Villeneuve, je ne veux pas avoir à partager ma reconnaissance, et je la garde tout entière à madame Le Prince de Beaumont, qui a voulu prouver à ses enfants en Magasin, que la bonté est, à la longue, une qualité à laquelle personne ne résiste, et que, même dépourvue de beauté, elle finit par se faire aimer pour elle-même : cette morale est certainement bonne à prêcher aux enfants.

Quoique l'histoire de la Belle et la Bête ne soit au fond qu'un conte à bercer les enfans, il y avait dans ce conte de quoi enchanter, intéresser, faire fondre en larmes tout Paris, parce qu'il est plein de naïveté et d'intérêt [...].